Comme annoncé dans ce billet, j’ai voulu pour le premier témoignage de ce blog, prendre quelques nouvelles de Bernard Mauriange, l’homme qui s’affichait en panneau publicitaire 4X3 pour trouver un job.
Aussi intéressé par l’univers des CV originaux, Bernard avait été l’un des premiers « Buzzeurs du CV » à me contacter pour me féliciter et m’encourager pour mon CV insolite. C’est donc tout naturellement que je reviens aujourd’hui vers lui pour quelques questions qui pourront nous donner une vision personnelle sur son retour d’expérience. Entretien.
Bernard merci pour ton témoignage, peux-tu avant tout nous résumer en quelques mots le pourquoi de cette initiative insolite de « candidature sur panneau publicitaire » ?
Immédiatement après mon licenciement, j’ai pris conscience que je n’étais pas du tout visible sur le marché, J’ai donc choisi d’utiliser la piste Internet : ouverture de mon site personnel, inscription sur les réseaux sociaux, CV diffusé sur les plateformes dédiées, inscriptions à des newsletters, et autres canaux « classiques ». J’ai par ailleurs travaillé sur un CV Video et un blog perso , ce qui est un minimum je pense…
Mais dans le même temps, j’ai opté pour une méthode atypique. Je me suis dit que j’étais à la fois un produit et un projet à vendre, et qu’après avoir tenté les pistes traditionnelles, qu’il fallait peut-être que j’emprunte le hors piste : la mouvance de la commercialisation de soi.
J’ai construit un vrai plan de lancement « produit » et recherché les outils, les moyens les plus percutants pour que les entreprises me repèrent comme étant un bon produit et que je sois « en tête de gondole et non pas dans la réserve ».
Dans ce type de démarche tout compte : la cible (quelles entreprises, quels secteurs) le packaging ( le look), les caractéristiques et avantages ( expériences & compétences), la mise en scène ( la communication), on laissera de côté l’aspect « prix » …
J’ai ensuite alors tenté plusieurs initiatives. Un CV sous forme de carte postale adressée avec un petit cadeau à 400 entreprises, un document plus humoristique ou je me « packageais » comme un logiciel , un dépliant trois volets adressé à 200 cibles, deux actions « TGV » ou j’arborais un tee-shirt clamant ma recherche d’emploi et ou je distribuais mes CV carte postale dans le train.
Toujours pas de résultat. J’ai alors décidé de poursuivre mes actions en voyant une publicité pour une mutuelle ou l’on voyait un visage « grand format » sur un panneau que j’ai eu cette idée… « Et pourquoi ne pas lancer une campagne d’affichage en banlieue nantaise ? ». Opération traitée comme un vrai projet marketing puisque j’ai trouvé quatre sponsors ( afficheur, agence, photographe, imprimeur) qui m’ont soutenu moralement et surtout financièrement.
Le buzz médiatique autour de ton action a fonctionné, est-il venu tout seul ou as-tu forcé le destin auprès des médias ?En fait j’avais choisi de préparer mon action de manière très professionnelle (comme pour le lancement d’un nouveau produit) en envoyant avant l’action un article de presse « teasing » aux médias régionaux et nationaux …..C’est ce qui a fait la différence.
J’ai eu la chance que ce document de teasing intéresse immédiatement. Dès le lendemain après la Une de Ouest France et de Presse Océan, mon buzz a véritablement commencé quand l’AFP et l’agence Reuters ont relayé l’information, accompagné de mon passage au 20H00 de TF1 un vendredi soir …
As-tu connu eu des retours négatifs sur ton action, des critiques, ou encore une sorte de « présomption d’égo surdimensionné » pour s’afficher de la sorte en 4×3 ?
Plus de 600 mails de félicitations et d’encouragements de France, mais aussi d’Italie, de Pologne, d’Espagne, de Turquie, du Brésil. … Plus d’une centaine d’appels d’encouragements.
Voilà le coté positif et ce que je retiens en premier.
Les inconvénients se résument à quelques appels ou messages pas toujours très chaleureux, quelques fois agressifs ou injurieux, mais tellement minoritaires. Mais aussi des messages sur la toile pas très positifs, s’il vous arrive de ne pas répondre immédiatement aux propositions, et à une certaine pression des médias.
Un autre inconvénient probable. Cette campagne de communication qui a peut être fait peur à quelques chefs d’entreprise, jugeant le candidat trop charismatique, trop visible, trop trop… Ce qui pourrait expliquer pourquoi je n’ai pratiquement pas eu de proposition en Loire Atlantique là ou a eu lieu le buzz !
D’autres également n’ont pas compris que cette campagne était sponsorisé et n’ont pas hésité à rebondir sur la version « du cadre qui a les moyens de se payer une campagne » ….
Ce qui est totalement rassurant c’est d’avoir le point de vue de ceux qui vous connaissent bien, non seulement de sa famille, mais surtout de ses amis, de ses contacts et qui savent que cette action est complètement déconnectée d’un égo démesuré et que c’est plutôt une forme de challenge avec une pointe d’humour et de courage aussi.
Depuis, quelques personnes ont « copié » ton idée, penses-tu que seul le premier à trouver une idée originale peut réellement se démarquer ?
Bien sur être « le premier » présente toujours des avantages et en particulier l’effet de curiosité, de surprise. Pour ce qui me concerne c’est certainement l’explication d’un tel buzz.
Depuis d’autres ont suivi et je ne peux que les féliciter. Plus que le fait d’être le premier c’est avant tout la qualité de l’action tant dans le fond que dans la forme qui prime et la communication en amont de l’action auprès des médias.
Si de telles campagnes peuvent permettre à ces chômeurs de retrouver un job alors je suis pour et même prêt à les aider !
Par ton action, on le voit menée comme un vrai projet professionnel, tu as cherché à développer une réelle marque personnelle, quel en est l’objectif ?
On peut dire quel en « était » l’objectif !? Car c’est une situation bien particulière -le chômage- qui m’a amené à créer et développer ma marque personnelle, bien qu’aujourd’hui je continue de l’entretenir.
En effet l’image virtuelle est omniprésente. Il est donc tout naturel que celle-ci serve les intérêts des demandeurs d’emploi et des recruteurs. Le savoir se vendre est une technique marketing fondée presque exclusivement sur l’image virtuelle que vous allez renvoyer aux autres à travers des médias reconnus. Vous ne vous faites plus remarquer grâce à vos qualités intrinsèques, celles que vous avez développées, enrichies, pendant des années, (et c’est malheureux de le dire) mais vous vous distinguez grâce à votre « image ».
Pour savoir se vendre il faut déjà avoir pris le chemin de la « connaissance de soi » , avoir effectué un travail sur son parcours. Ensuite Il faut savoir se valoriser sans devenir excessif car Il ne faut pas confondre marché du travail et télé-réalité , il ne faut pas mélanger mise en valeur et exhibitionnisme.
Toutefois, poussé par une situation imprévisible, une conjoncture difficile , un besoin vital de résultats et quand avoir un bon diplôme ne suffit plus, quand votre savoir faire n’est pas reconnu, il faut savoir faire preuve d’inventivité pour se faire remarquer.
Après des démarches raisonnables mais sans aucun écho, sans résultat, j’ai choisi de créer mon identité personnelle et de faire mon auto-promotion , d’user du buzz marketing pour atteindre mon objectif de retour à l’emploi . C’est chose faite.
Cette marque personnelle reflète t-elle le vrai Bernard Mauriange ou comme toute marque comporte des messages « markétés » ?
Comme le dit Béatrice Cuvelier. « La véritable reconnaissance de votre marque sera votre authenticité et votre cohérence avec vous-même. », c’est à dire qu’on vous reconnaîtra car vous ne serez plus la copie d’un autre.
Voilà l’exercice difficile du Personal Branding : se démarquer en restant soi même !
Avant tout il s’agit de connaitre « sa marque » avant même de la créer.
Pour ce qui concerne cette opération panneau, le « Bernard Mauriange » se reconnait tout à fait dans le message de sa marque et est naturellement en plein accord avec son action. Ses caractéristiques « produits » sont réelles et présentées dans son CV, ses avantages liés à son expérience sont aussi bien réels, ses valeurs humaines sont réelles… Reste l’emballage qui peut bien entendu changer en fonction des saisons, de l’histoire, passant de la carte postale par le tee-shirt TGV, le panneau ou comme un CV avec ou sans couleur …
Pour moi l’objectif recherché était simple : se faire connaitre ou positionner son image de professionnel auprès d’un public cible, en l’occurrence plutôt les entreprises mais aussi le grand public pour insister sur un message de société concernant « l’emploi des seniors » .
Le message marketing délivré au moyen d’une opération de Personal Branding n’est pas chose facile car comme on le dit en marketing , un produit = un message. Il faut donc absolument réfléchir à son message car ensuite nous en sommes totalement prisonnier à titre professionnel ou personnel… Il doit donc coller au plus prêt de ce que l’on est sous peine de retourner contre soi et de devenir un buzz négatif.
Chacun au quotidien entretien presque sans le savoir sa marque personnelle, dans sa façon d’être, ses habitudes, ses valeurs, dans son parcours professionnel… Une marque personnelle n’est jamais terminée, c’est un processus inconscient qui évolue au fur et à mesure d’une carrière et d’une vie et qui vient quelques fois se concrétiser en marque média et pourquoi pas se transformer en buzz.
Un conseil à donner aux personnes qui voudraient se lancer dans une initiative originale ?
Si l’on a le sentiment que grâce à cette action on atteindra son objectif alors il faut foncer. Chacun de nous, comme les sportifs de haut niveau, peut se découvrir une énergie , une créativité insoupçonnée, confronté à une situation difficile voir d’urgence. C’est parfois dans des moments difficiles que l’on découvre sa force intérieure !
Il faut d’abord avoir l’idée, la bonne, celle qui n’existe pas ou celle que l’on peut améliorer , modifier. C’est la base de tout. Ensuite il est nécessaire de se construire un vrai plan d’action, de s’entourer de conseil, de partenaires, et pourquoi pas de sponsors s’il le faut. Ne pas écouter le chant des sirènes, de ne jamais renoncer et de tenter ce qui peut paraitre impossible !
Sans oublier des points importants à mes yeux : il convient de respecter sa cible (les autres), de ne pas sombrer dans la vulgarité, de rester maitre de son message, de maitriser ses propos, ses humeurs, de rester enthousiaste quoi qu’il arrive et enfin d’être en parfaite cohérence avec son action.
As-tu de nouveaux projets pour l’avenir ?
J’ai comme principal projet de prouver au chef d’entreprise qui m’a recruté que je suis aussi audacieux que je l’ai annoncé sur mon panneau et qu’il ne s’est pas trompé.
J’ai aussi comme projet au quotidien de rester visible et de continuer à entretenir mon image média internet, (réseau, blog, site, newsletter…) au cas où. En effet après un tel traumatisme (un licenciement après 18 ans en entreprise) comment être totalement sûr de rester en poste encore minimum 8 ans …? Je garde donc en « stock » d’autres idées que j’aurais pu déployer si mon action panneau n’avait pas fonctionné et reste attentif au marché de l’emploi.
Enfin , au fond de moi, j’aimerais surtout et je ne sais pas comment, servir la cause des seniors et agir pour que cette situation de mise à l’écart s’améliore. J’ai quelques pistes…
Merci à Bernard pour ce premier témoignage sur ce blog. Son point de vue nous permet de découvrir toutes les facettes de son expérience vécue sur le devant de la scène des chercheurs d’emploi. Comme il le dit lui-même, et c’est là que l’ont voit que même les personnes qui ont « réussies » avec des CV originaux sont conscients du risque, on voit qu’une préparation et une réflexion est indispensable pour se lancer dans une initiative de la sorte. Ce Directeur Marketing a donc retrouvé le job qui lui convenait et nous lui souhaitons une excellente continuation en espérant qu’il n’ait désormais plus besoin de recourir à de tels projets !
2 Responses
Sympa ce point de vue d’un sénior. En effet il faut parfois en arriver là. En tout cas on ne pouvais pas le louper, sur la route comme dans les médias, et l’essentiel est là. La dernière action fut la bonne !
Merci à vous messieurs Alain Ruel et Bernard Mauriange,
Ce retour d ‘expérience nous apporte des clés pragmatiques
sur ce qu’ est, de nos jours, le combat pour l’ emploi,
toutes générations confondues.
L’ approche de Bernard sur l’ aspect connaissance de soi et développement personnel m’ a particulièrement touché au delà
de la médiatisation liée à sa fonction commerciale.